Ces anges là

Il y a chaque jour des gens qui souffrent de la perte d’un être aimé, mais à qui on nie le droit d’être triste.
C’est gens là entendent « C’était mieux ainsi », « Tu l’as finalement peu connu », « Tu devrais passer à autre chose ».

Ces gens là connaissent un drame dans leur vie, d’autant plus douloureux qu’ils n’auront que peu d’écoute, peu d’empathie, ou que les gens s’éloigneront deux.

Aujourd’hui, c’est la journée de sensibilisation au deuil périnatal.

Dessin de la talentueuse Julie Lecomte alias Hysterik Mum
Dessin de la talentueuse Julie Lecomte alias Hysterik Mum

Par deuil périnatal, on entend « parents qui ont perdus un enfant ».

Et peu importe que ce fut un enfant déjà né, de quelques heures, jours ou mois, ou un enfant qui était à naître et une grossesse de quelques semaines ou mois.

Je suis maman de 3 enfants. J’ai été enceinte 6 fois.
Aucune IVG pourtant.
Et des grossesses qui ont explosées en plein vol, à quelques semaines ou quelques mois.

La première fois, j’ai découvert l’horreur le jour de ma première échographie. Le choc, je ne m’attendais pas à ces mots là « Le cœur ne bat pas ».
Tout comme je ne m’attendais pas aux mots qui ont suivis « Urgence », « infection », « curetage utérin »…

Et surtout, je ne m’attendais pas au manque d’empathie qui a suivi.
« Vous en ferez d’autres », « C’est que ce n’était pas le bon moment », « Peut être ne le désirais tu pas assez » ou encore « C’est bon, tu l’as à peine porté ».

13 ans plus tard, je pense encore à cet enfant à peine formé que j’ai porté 12 longues et si courtes semaines, que j’ai pleuré silencieusement ou non pendant si longtemps, que j’imagine encore parfois.
Je ne sais pas s’il était un garçon ou une fille. S’il aurait aimé le chocolat comme sa mère ou les maths comme son père.

En comparaison, les deux autres fausses couches qui ont suivies, à 10 et 7 semaines de grossesse, bien que douloureuses furent plus supportables.
Et la douleur bien mieux dissimulée.

13 ans plus tard, chaque 13 avril, j’y pense. Parce que c’est ce jour là qu’on a brisé mon cœur de maman pour la première fois.

Pourtant, je n’en ai jamais parlé à mes enfants, de ces aînés qui n’ont fait qu’un bref passage dans nos vies.
Parce que j’ai bien appris ma leçon, durement assimilée : ce n’est rien, il faut que j’oublie, ce n’était même pas encore des bébés, pourquoi tu pleures un amas de cellules.

Parce que, aussi, je pense à ses paranges qui ont portés leurs enfants jusqu’à leur terme pour apprendre qu’ils ne pourront le tenir dans les bras que pendant un temps limité.
Ma douleur n’est rien, comparé à la leur, même si dans mon cœur, je me sens aussi meurtrie qu’eux.

Je voudrais pouvoir leur dire qu’on oublie, qu’on finit par ne plus souffrir. Mais c’est faux.
J’ai gardé les premières échos faites chez ma gynéco, honteusement cachées dans un dossier que je n’ouvre plus mais que je ne peux me résoudre à jeter.
J’ai toujours les larmes aux yeux quand je repense à cette échographie à 8 semaines, avec ces battements si forts qui n’auront pourtant pas réussis à continuer.
J’ai toujours cette culpabilité de me dire que je n’ai rien senti, rien pressenti.
Cette culpabilité qui me crie insidieusement que c’est de ma faute, que je n’ai pas fait assez ceci ou trop cela. Que si j’avais fait mieux, ils ou elles seraient là.

Cette culpabilité, aussi, de me dire que finalement, tout est pour le mieux. Car s’ils avaient été, mes 3 merveilleux enfants ne seraient pas là aujourd’hui.

Je n’aurais pas connu leurs sourires, leurs bras, leurs espoirs, leurs peurs.
Et pour rien au monde je ne voudrais qu’ils ne soient pas, ces enfants qui illuminent ma vie maintenant.

Si on pouvait revenir en arrière… Je ne sais pas. J’aurais préféré ne pas connaître ces deuils. Tout en ayant mes enfants. 6 enfants en bonne santé, heureux, sur qui je pesterais tout en pleurant leur absence quand ils sont chez leur père.

A tous ceux qui n’ont jamais vécus ça : non, ce n’est pas rien. Que ce soit une fausse couche, un décès in-utéro ou après la naissance, la douleur est toujours la même.

Car ce n’est pas la durée qui compte, pour la douleur. Mais la façon dont on a investis cette vie à venir.

A tous mes compagnons d’infortune, je vous embrasse. Je n’ai toujours pas les mots, je ne sais toujours pas ce que j’aurais aimé qu’on me dise après tout ça alors, je ne vous envoie que ma compassion et mon amour.

22 commentaires sur “Ces anges là”

  1. Je crois ( après 4 ans) que vous êtes la première à dire exactement ce que je ressenti.
    C’est très dur car j’y pense souvent à ce bébé perdu au bout de 3 mois… tout ce que vous dites, je l’ai entendu
    ( l’infirmière qui m’a reçue alors que j’étais en train de le perdre, m’a même dit ” Oh ce n’est rien vous n’êtes pas la première vous ne serez pas la dernière…” une phrase à jamais gravée dans ma mémoire…)

    alors merci et bon courage à tout le monde…

  2. Je n’ai connu qu’une grossesse, et ma fille est là, en bonne santé. Je ne peux ressentir ta douleur, celle de toutes ces mamans qui ont perdu leur enfant, mais je peux l’imaginer…Ça doit être terrible, terriblement dur. Des amies proches ont vécu cette épreuve, et je pense souvent à elles, à leur deuil silencieux…

  3. Bonjour,

    Je comprends… car je l’ai vécu une fois…
    J’ai porté mon premier enfant pendant 5 à 6 semaines, il est parti le 18 octobre…, il y a douze ans.
    Seul le papa sait…

    Bon courage !

    Cordialement.

  4. Je n’en ai jamais parlé à mes enfants mais un jour, alors qu’on passait devant la maternité où j’étais inscrite pour ma première grossesse, j’ai dit à mon fils ainé “Tiens, c’est là que tu aurais dû naître… Euh, non, ce n’était pas pour toi…”. Il a senti à ma voix et mon regard que j’étais plus que gênée, il ne m’a rien demandé sur le coup. Ce n’est que quelques jours plus tard qu’il a posé la question. Il sait maintenant qu’il y a eu un autre bébé dans mon ventre avant lui mais qu’il n’est pas physiquement avec nous.
    Ce sont en effet des moments qu’on oublie pas mais ce n’est que très récemment que j’ai arrêté de culpabiliser sur ce qui s’est passé.

    1. On a pas parlé de mes fausses couches mais on a parlé des fausses couches en général, parce qu’on a connu une maman d’école qui a perdu son bébé à 5 mois de grossesse. Les enfants ne comprenaient pas qu’on passe d’un gros ventre à pas de bébés. Une discussion douloureuse.
      Mon ainé a du comprendre car il m’a demandé si ça m’était arrivé. J’ai répondu oui sans rentrer dans les détails

  5. “ce n’est pas grave, de toute façon une femme connait une fausse couche et un avortement dans sa vie”, voilà les mots qui résonnent encore dans ma tête, ces mots prononcés par mon gynéco, une personne que j’appréciais…
    “allez, encore une qui n’assume pas et qui se fait avorter” ça c’était la gentille dame qui s’est occupée du curetage lors de cette fausse couche, il y a 5 ans maintenant…
    pensées à vous toutes et tous, qui souffrez et êtes incompris…

    1. Punaise :-/
      Moi, c’était les infirmières de bloc “Pfff… encore un curetage” avec un ton condescendant. L’horreur.
      Je t’aime ma cherie

  6. Tout est dit… ça fait drôle de voir ces mots écrits de la main d’une autre, ces mots que je me répète souvent comme pour me convaincre moi-même que ma peine est légitime.
    Moi aussi, j’ai entendu son coeur battre à 8 semaines, et à 10 semaines, il ne battait plus. C’était le 13 mars. Il aurait dû avoir un an aujourd’hui, si je me fie au terme annoncé.
    Moi aussi, j’ai entendu ces mots assassins : “tu en feras d’autres”, comme si on parlait d’une poterie tombée à terre ou de n’importe quel objet remplaçable. Et la pire de toute : “ce n’était que des cellules”. Non, c’était mon enfant, celui que j’avais désiré de tout mon être, que je voyais déjà courir dans le jardin, rire et s’épanouir.
    Et cette culpabilité de ne pas avoir su protéger notre trésor et d’avoir failli à notre tâche.

    Aujourd’hui je tiens dans mes bras ma merveilleuse petite fille et je mesure à quel point elle est précieuse. Et, moi aussi, je me dis que sans cette fausse couche je ne l’aurais jamais connue et vu grandir. Mais au fond il reste le souvenir de cet enfant, mon premier enfant, que je n’ai pas eu la chance de rencontrer.

    Merci pour ce témoignage qui montre que, si grande soit la solitude que l’on ressent dans ces moments que nous inflige la vie, en fait, on n’est jamais seul.

  7. Merci pour ces mots! Nos maux! Je pleurs en lisant car ma souffrance est tjrs là, malgré ma fille de 18mois. 4 petits anges a jamais gravé en moi l’ont précédé <3 <3 <3 <3 mes amours, mes bébés, mes anges gardiens … Maman vous aimera toujours <3

  8. Te lire c’est comme lire dans mes pensées merci beaucoup pour tes mots qui m’ont émues. Pour ma part j’ai vécu 6grossesses, 1ange en aout 2008, 1bébé en novembre 2009, 1bébé en juillet 2011, 1ange en février 2013, 1ange en décembre 2013 et 1bébé en décembre 2014. Le pire fut la 4eme grossesse car j’ai fait un curetage avec juste une rachis j’avais envie de mourir, je me suis senti seule, vide c’était horrible … Jai préférer perdre mes anges naturellement à la maison, le personnel soignant c’est pour la plupart des robots sans coeur sans respect sans compassion sans tacte alors quand on vit ce genre de chose on prend leur geste et leur parole comme des violences mais ça on en parle pas… Ah oui et les hommes sérieux yen a j’ai bien envie de les gifler ils savent pas un dixième de ce que l’on endure en tant que femme et il juge. Jai guéri mais je suis différente et je n oublierai jamais, je continuerais de parler d’eux je les ai aimer leur père aussi et mes enfants pensent à eux ils disent qu’ils jouent là haut avec grand papy et mamie minou qu’un jour on les rencontrera ❤ moi ça me fait du bien même si pour les autres ils n’existent pas nous on les aime. dernier bébé

  9. 10 ans de bataille contre l’infertilité, 35 inséminations, 26 fc et à chaque fois “mais c’est la nature qui a décidé”, “c’est mieux que d’avoir un handicapé”, “vous êtes jeunes”, “déjà tu tombe enceinte c’est bien” “mieux vaut avant trois mois qu’une fois né” “ce n’était pas un bb mieux vaut ça que la mort subite du nouveau né”…….et l’envie de hurler “quand vous serez passées par là vous pourrez me dire tout ce que vous voudrez”.
    Aujourd’hui un grand beau mec qui va avoir 15 ans (le 22 décembre il fut mon plus beau cadeau de tous les noels de ma vie), mais je n’ai jamais pu me remettre dans les traitements, car je savais qu’une fausse couche de plus je n’y arriverais plus et là aussi j’ai entendu “ben pourquoi tu as réussi pas de raison que ça ne refonctionne pas”, “ben tu as ton fils donc une fc de plus ce ne sera pas grave”…..
    J’ai souvent dit que je subissais surement moins que les amies qui perdaient des enfants plus “grands” in utéro ou à la naissance (comme ce fut le cas deux fois autour de moi) mais aujourd’hui je m’autorise enfin à dire la souffrance que furent pour moi ces 26 FC, elles restent gravées au fond de moi et là d’en reparler j’ai les larmes aux yeux….

  10. Tellement émouvant, tellement vrai ! Je ne fais pas partie de vous, les parents touchés par ce drame, et même si je ne peux pas ressentir votre douleur, je prends part à elle. Je ne me sentais pas légitime au départ pour écrire sur ce sujet mais toutefois, il faut en parler et faire comprendre à ceux qui vous disent “que ce n’est rien” que c’est faux… On n’a pas le droit de juger la douleur de quelqu’un, on doit la comprendre et la soutenir.
    Beaucoup de courage à vous tous.
    Ecrire sur ce sujet moi aussi m’a permis d’en imaginer l’horreur et j’ai une très grosse pensée pour beaucoup de gens pour cette journée de sensibilisation… <3

  11. un message vraiment poignant…
    je n’ai pas eu la douleur de connaitre ces instants si difficiles… Mais accompagné plusieurs proches qui eux l’ont vécu. Et ce n’est jamais facile pour moi de savoir quoi leur dire pour les réconforter.
    Prends bien soin de toi
    bisous

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