Le temps passe, pas le temps de s’ennuyer

Parfois, je rêve d’avoir une vie pour laquelle je n’aurais rien à dire.
Quand j’étais jeune, il me semblait que le pire qui pourrait m’arriver serait d’avoir une vie ennuyeuse, et qu’à la fin de ma vie, je me dise « Mince, il ne m’est rien arrivé, j’ai eu une vie d’un ennui mortel ».

Naïve que j’étais.

Là, en ce moment, je me dis qu’un épitaphe « Sa vie était tellement ennuyeuse qu’il n’y a rien à dire » me conviendrait finalement tant !

J’ai déserté tout. Blog, RS, et même la vie IRL en me coupant des gens tant j’ai cru être tombée bas ces derniers mois.
J’ai lâchement délaissé mes amis, au point d’en avoir perdus quelques uns, des amitiés ont pris chères aussi, du fait de mon absence, de mon silence et de mon manque d’envie de m’impliquer.

Je n’étais plus vraiment en capacité de m’occuper de qui ou quoi que ce soit en fait, tellement débordée par la fatigue, la déprime, l’impression de ne plus savoir quoi dire ou quoi faire.

Je remonte doucement la pente. J’ai retrouvé un peu de punch, même si je me sens constamment fatiguée.
Les larmes ne menacent plus de couler constamment, et je reprends plaisir à organiser des choses, à vivre tout simplement.

Petit Pépin a eu un an le 6 décembre. Un non événement que j’ai à peine fêter, juste pour le symbole et qu’il ne m’en veuille pas plus tard de n’avoir rien fait.
Nous n’étions que nous deux alors je me suis contenté d’un muffin acheté vite fait le jour même, surmonté d’une petite bougie. Une photo, et hop, c’était déjà terminé.

Je me suis forcée à organiser un mini anniversaire avec quelques proches, mais la plupart ne sont pas venues. Pas disponibles apparemment. Mais je comprends qu’ils/elles n’aient pas eu la motivation nécessaire, ayant été tellement aux abonnées absentes depuis plusieurs semaines.

C’est Tisinge qui a fait le gâteau de son frère. J’avais un vieux paquet de pâte à gâteau au chocolat, quelques œufs et de la crème et hop, débrouille toi.
Je n’ai encore une fois fait aucun effort pour que ce soit vraiment festif et si j’ai apprécié voir les quelques personnes qui étaient là, j’ai aussi apprécié quand ils sont tous partis le soir.

Je n’avais aucune énergie et me vidait très vite.

J’ai frappé à quelques portes, j’ai crié mon mal-être auprès de gens censés pouvoir le voir et y remédier, mais il aura fallu le pire, il aura fallu que je craque aussi, pour qu’enfin, on se décide à voir que les choses allaient de mal en pire et que nous étions sur le point de nous briser les ailes devant les murs qui se dressaient devant nous.

Dans l’histoire, c’est Tisinge qui a pris cher. Parce qu’il est le déclencheur mais aussi la cause.

Des années que son comportement est pointé du doigt, des années qu’on en sue avec l’école.
Et des années que j’essaye de faire entendre que non, ce n’est pas juste un enfant mal-élevé, merci bien, mais qu’il y a quelque chose qui ne va pas, il n’y arrive pas, et nous non plus.

Depuis septembre et sa prise en charge à mi-temps en Itep, j’ai cru que je pourrais enfin souffler, déposer mes bagages, et refaire des projets.
Mais c’était trop utopique.

J’attendais avec impatience le rendez-vous avec une spécialiste du TDAH au Chu qu’on devait nous fixer

A l’école, à l’Itep, son comportement est devenu de pire en pire, de plus en plus dur, insolent et injurieux.
A la maison, les relations avec la fratrie de plus en plus tendue.
Et pourtant, il peut tellement être un amour, mais seulement s’il est seul, ou avec son petit frère.

Petit Pépin et lui, c’est une grande histoire d’amour. Dès qu’il voit son grand frère, mon tout petit a le regard qui s’illumine. Il tente déjà de dire le prénom de son frère et j’adore entendre le « Tin » qui sort de sa bouche tout le temps quand il l’appelle.

De son côté, mon 7 ans adore son petit frère et est presque trop collant avec lui, au point que je suis obligée de lui demander de le laisser tranquille.

Mais en novembre, les choses ont dégénérées. Son comportement de plus en plus inquiétant. Le bleu apparu sur la joue de mon bébé après que je les ai laissé ensemble quelques minutes….

Puis début décembre, ça a été la goutte d’eau.
Tisinge, à peine entré en classe un lundi matin a sauté sur le radiateur pour essayer d’ouvrir la fenêtre en criant qu’il voulait se suicider, qu’il en avait marre, qu’il voulait tout faire sauter.

Après-midi aux urgences, on nous propose de voir comment se passe les jours suivants mais que si ça devient trop compliqué, en attendant un rendez-vous avec la spécialiste, qui venait de passer de 18 mois d’attente à mi-janvier devant l’urgence, de le mettre sous Atarax, un léger calmant, pour permettre à tout le monde de souffler.

Électrocardiogramme et prise de sang faits, à deux semaines des vacances et à un mois du rendez-vous tant attendu, j’ai fait l’erreur, chaque jour, de temporiser : « Plus que x jours avant le rv, on va tenir ».

Et en attendant, c’est moi qui ne tenais plus. Perte de poids, de cheveux, malaises.
Tout les signes d’une dépression.
Une prise de sang a montré quelques anomalies : une carence grave en fer et le début d’une ostéoporose.
Forcément, quand on ne mange quasi plus, le corps finit par piocher où il peut. Jusque dans les os.

La fatigue, encore plus intense parce que je dois multiplier les aller-retour pour lui, vu que son comportement fait qu’il ne peut plus pour le moment aller à la cantine et aux temps périscolaires.

A la rentrée des vacances de janvier, après des vacances catastrophiques, j’ai craqué. Partout.
Dans le bureau de la directrice de l’école. Devant la MDPH.
Et surtout, devant le médecin des urgences du CHU où nous étions parce que Tisinge avait frappé son AVS

« Je n’en peux plus. Faites quelque chose ou gardez le mais moi, je ne peux plus. Je suis en train de craquer et mes autres enfants pâtissent tous de ces problèmes. Je ne veux plus le faire passer en premier. Je ne peux plus. Faites ce que vous voulez mais moi, j’abandonne. »

Des mots terribles, lancés devant mon fils.
Je m’en veux encore mais je n’étais plus en état de faire preuve de bienveillance, que ce soit envers lui ou envers qui que ce soit, moi comprise.

Des mots qui ont ouverts des portes puisque nous avons été accueillis le jour même par la fameuse spécialiste, après une journée entière aux urgences.
Quelques questions, une lecture de l’épais dossier de mon fils, quelques examens, et le verdict que je suspectais depuis longtemps et pour lequel tout le monde me disait que « n’importe quoi », tombe : Tisinge souffre d’un TDAH : trouble de l’attention AVEC Hyperactivité. Couplé d’un TOP : trouble de l’Opposition par Provocation.

Un nouvel électrocardiogramme, et dès le lendemain, le début du traitement médicamenteux pour réguler l’hyperactivité.

Un très très léger mieux, rien d’hyper flagrant. J’essaye de ne pas trop y compter mais je ne peux m’empêcher d’être déçue.

En attendant, je multiplie les rendez-vous médicaux pour moi, pour remonter la pente : d’abord 3 demi-journées d’hospitalisation pour des perfusions de fer. Des prises de vitamines par voie oral ou par injection.
L’appel à la psy qui m’avait suivi pendant mon by-pass qui m’oriente vers l’infirmière psy qui me suit de temps en temps pour mes addictions.

La directrice de l’école, une perle, comprends, entends, voit. Et décide que désormais, plus de transmission entre les maîtresses et moi concernant le comportement de Tisinge, et surtout pas devant lui.
« Vous n’avez pas besoin de savoir ça, on transmettra directement à l’Itep si besoin et de toute façon, on le punit déjà pour son comportement à l’école si besoin, donc, inutile de vous encombrer la tête avec ça ».

La belle-mère de mes enfants, elle aussi au top, qui frappe à son tour aux portes en expliquant, en prévenant que je ne vais plus pouvoir tenir, et le papa non plus.
Grâce à elle, l’Itep acceptera d’accueillir Tisinge pour la cantine, ce qui en m’oblige plus qu’à 3 trajets par jour au lieu de 4.

La halte-garderie de Petit Pépin, que j’alerte un matin en expliquant ce qui se passe pour mon 7 ans « Je ne suis plus en capacité de m’occuper correctement de mon bébé. Pourriez vous le prendre plus souvent si vous avez de la place ? ».
En halte, nous avons le droit à 3 demi-journées par semaine.
Grâce à eux, Petit Pépin a pu aller à la halte quasi tous les jours, un souci en moins pour moi qui culpabilisais tant de faire vivre tout ça à mon bébé, de l’obliger à passer ses journées dans la voiture, dans la poussette pour gérer les différents transports et suivis de son frère.

La psychiatre du CHU nous a vu toutes les semaines. Chaque semaine, nous avons augmenté le traitement de notre fils, petit à petit.

Il a commencé par se poser. Les explosions étaient moins fortes. Le retour au calme plus rapide et facile.
Il a commencé à refaire ses devoirs le soir de lui-même.
Puis après presque deux mois sans aucun travail à l’école, il s’y est remis, doucement mais sûrement.

Nous sommes à 6 semaines de traitement.
Cela fait plus de 4 semaines que je n’ai pas eu à le gronder, hormis petites bêtises et autres de son âge.
Je n’arrive même pas à me rappeler la dernière fois que je l’ai grondé en fait.
C’est tellement énorme, tant j’avais l’impression de passer mes journées sur le qui-vive en attente du prochain cataclysme.

Tous les soirs, les devoirs sont faits, il s’y met de lui même et aucune crise pendant.

Ça reste fragile et à l’école, c’est toujours un peu compliqué. Le collectif est difficile pour lui.
L’hyperactivité traité lui permet d’enfin se remettre au travail, de rattraper un peu le retard qu’il commençait à prendre.
Mais le TOP est toujours là, lui, et ses manifestations parfois trop présentes : les gros mots, les gestes déplacés, l’agressivité….

Pour « traiter » ça, pas de traitement miracle malheureusement. Un suivi psy au CMP que nous attendons toujours.
On traîne à nous rappeler, à nous proposer un rendez-vous. C’est usant.

Mais étrangement, même si je sais que ça reste compliqué à l’école, ça va bien mieux. Parce qu’à la maison, c’est quasi parfait. Et que je ne me prends plus en pleine face son comportement à l’école.
J’ai de toute façon décidée de ne plus trop m’en préoccuper. Ce qui se passe à l’école reste à l’école, hormis cas particulier.
C’est reposant.
Et apaisant finalement.

Je retrouve de l’énergie que je consacre à mon père et à sa curatelle qui va enfin passer en audience fin mars.

Je me suis même dit que je partirais bien en vacances avec les 4 fantastiques, seule, plus ou moins loin de la maison selon ce que je trouverais.
Ça ne me paraît plus impossible et épuisant, maintenant que le comportement de Tisinge est « contrôlé ».

Je n’ai par contre toujours pas retrouvé l’envie de m’investir dans les relations aux autres. Je continue à être trop absente envers mes amis.
J’oublie beaucoup de choses, comme si j’avais eu tellement à penser que mon cerveau a disjoncté et peine désormais à ressortir ou garder des infos.
Mon agenda et mon bloc note sont devenus mes meilleurs amis.

Mais l’optimisme et la force sont de retour, même si cette dernière reste fragile.
Les coups du sort ne m’abattent plus, ils me sonnent, comme le fait de devoir consulter rapidement un cardiopédiatre pour Petit Pépin pour une suspicion d’un problème cardiaque.

J’ai pleuré un bon coup, et je suis retournée à mes projets de vacances, de relooking, de travaux dans la maison.

Ma philosophie que j’avais un peu perdue de vue est revenue : « Vivre au jour le jour. Ne pas se focaliser sur ce que je ne peux pas changer ou contrôler dans l’immédiat. »

Je sais donc que mon bébé peut potentiellement avoir un problème cardiaque, mais de toute façon, je ne peux à l’instant T rien y faire.
Je dois juste attendre lundi de pouvoir contacter un cardiopédiatre pour prendre rendez-vous puis attendre impatiemment le dit rendez-vous.
(Mais j’avoue avoir fortement envisagée d’aller aux urgences. Juste pour me rassurer. Pour savoir)

Je manque encore d’envie d’écrire beaucoup alors qu’il y a des tonnes de choses que j’ai envie de dire, de partager.
Pareil, ça reviendra.

En tous cas, je voudrais remercier tout ceux et toutes celles qui, s’inquiétant de mon silence, ont pris de nos nouvelles, ici, par mail, via FB ou twitter.
J’ai eu du mal parfois à répondre, mais sachez-le, ça me touche énormément.

Je vais revenir, c’est sur. Parler des visites du collège de mon grand, de la régression de ma fille, des évolutions de Petit Pépin, de mes envies de voyages, de mes bricolages.

Ce ne sera peut-être pas très régulier, mais comme une thérapie, on va y aller petit à petit, un pas après l’autre.

Merci à tous d’avoir lu jusqu’au bout (ou pas) ce billet trop long et complètement décousu.

J’ai hésité à aborder tout cela mais comme je l’ai déjà dit, il y a une vie derrière les R.S., souvent bien moins glamour que ce que l’on montre.
Et perso, j’aurais bien aimé me sentir moins seule quand tout m’est tombé dessus.
Alors je me dis que, peut-être, ça fera du bien à d’autres de savoir que même une blogueuse peut en suer, tomber bas, se planter.
Le tout est de ne pas perdre espoir. Même si c’est difficile !

Photo prise en allant chercher les enfants à l’école. Ce rayon de soleil, je ne sais pas, ça m’a juste touché en fait

1 commentaire sur “Le temps passe, pas le temps de s’ennuyer”

  1. Bonjour, je me suis reconnu sur votre blog… C’est tellement difficile de tenir… Mais on pense à nos petits bouts et nous voilà ragaillardies !! Je sais que c’est une épreuve difficile…Mon divorce a duré plus de 2 ans…j’ai dû me battre comme une lionne. Courages !

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