Chute libre

Il y a près d’un an, j’ai lu une BD qui portait ce titre et traitait de la dépression, de façon très juste et très touchante.

couv officielle

Reprendre ce titre me paraissait une évidence pour ce billet qui risque d’être décousu mais surtout, qui va être assez difficile à écrire.

La dépression, je connais bien. Ma mère l’a été, dépressive, une grande partie de sa vie. Et avec le recul, je me rends compte maintenant que cela a beaucoup compté dans mon adolescence et dans ma vie, et que c’est à l’origine de certaines fêlures.

Depuis toutes petites, je suis celle sur qui on peut compter, celle à qui on demande tout. De l’aide, de la neutralité.
Je suis celle qui organise, temporise, porte, supporte.

Ce fut une libération de partir loin. Plus de 300 km me sépare de ma famille. Et ils ont été bénéfiques, me permettant de dire non, de prendre du recul sans être culpabilisée. Et peut être aussi sans avoir peur d’être rejetée ?

J’ai une relation assez forte avec ma mère. Mais dans le même temps, assez anxiogène, finalement.
Je la trouvais faible d’être dépressive et de s’en servir pour se faire plaindre.
Il était hors de question que je devienne ou fasse comme elle.

Parfois, la vie nous rattrape.

Une amie très croyante me dirait que « Dieu ne nous donne que ce que nous pouvons supporter »
Je ne suis pas croyante. Et je pense que c’est faux.
Je pense que, parfois, on supporte trop. On va réussir, pendant un temps, à garder un équilibre. Puis on va devenir bancal. Et tomber.
Et si, à ce moment là, personne n’est là pour nous ramasser ou pour nous soulager d’une partie du fardeau, les choses se compliquent.

A plusieurs reprises, j’ai éclaté en sanglots devant mes enfants. Parfois d’énervement. Parfois pour rien.
J’ai été voir mon médecin, épuisée physiquement et moralement, douloureuse.

Il m’a prescrit un anti-dépresseur, un somnifère, et un arrêt de 3 semaines.

Depuis, je vis au jour le jour.

Tantôt à fleur de peau, tantôt sans émotions.
Je n’ai plus aucune patience, hormis, étrangement, avec mes enfants.
Je ne supporte plus la moindre contrariété, qui peut me mettre dans des états de détresse énorme. Et dans la seconde d’après, ne plus ressentir qu’un profond détachement.

Je ne dors plus que 4h par nuit. Je m’endors en fin de nuit, vers 3 ou 4h du matin. Et Tisinge se réveillant chaque matin vers 5h30 voir 6h, autant te dire que la fatigue s’accumule.

Je n’arrive plus à me concentrer. Lire, regarder un film sont des choses que je n’arrive plus à faire, je perds le fil trop vite. Alors, je me contente de mini-séries qui ne me demandent aucune réflexion, type Kaamelot ou Scènes de ménage.

Tout est trop. Trop bruyant ou trop calme. Trop rapide ou trop lent.
Je ne supporte plus le bruit, la foule, les gens. Alors, dès que je dois sortir, je mets des écouteurs et de la musique, et regarde dans le vague pour être sure que personne ne viendra me parler.

J’ai l’impression d’être à contretemps. Au ralenti. Mes émotions n’arrivent qu’après coup, une fois seule, donnant parfois l’impression que je n’écoute pas, ou que je ne m’intéresse pas. C’est faux.
Mon cerveau ne fait plus circuler les infos, et les questions fusent, mais trop tard….

Tout ça, ce sont les symptômes d’une seule et même maladie.
Il aura fallu que je voie ma psy pour accepter de l’entendre.

La dépression.

Elle m’a donné un traitement plus fort. Plus complet. Un arrêt plus long.
Avec des échéances : dans 15 jours, je devrais commencer à retrouver des sensations. D’ici 3 semaines, le moral. Dans un mois, le sommeil. Dans 6 semaines, je devrais être de nouveau moi.

Des échéances auxquels je m’accroche, désespérément.

Parce que j’ai peur. Peur de devenir une mère comme la mienne, qui ne laisserait comme souvenir d’enfance qu’une mère constamment alitée, constamment détachée.

Alors, je prends sur moi.

Je m’oblige, même sans les enfants, à me lever, à m’habiller.
Je m’oblige chaque matin à aller au parc, à 5 min de chez moi, et à en faire le tour.
Je m’oblige aussi, au moins une fois dans la semaine, à appeler une amie, pour parler, ne pas me couper du monde.

J’évite de cogiter. Je préfère m’abrutir de séries TV, de musique…
Dans le silence, je pense beaucoup trop, à trop de choses peu agréables.

J’essaye de ne penser qu’à ce qui me donne le sourire : mon séjour à Paris pour l’anniversaire de ma petite cousine. Les Efluents qui approchent et me permettront de rencontrer certain(e)s d’entre vous. Le baptême de ma nièce. La surprise que je réserve aux enfants début décembre en les emmenant voir Disney sur Glace…

Ça aide.

J’essaye aussi de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.
Oui, j’ai passé les ¾ de la journée sans rien faire et déprimée. Mais j’ai aussi réussi à écrire une note de blog.
Oui, j’ai pas mal pleuré. Mais j’ai aussi réussi à faire avancer le dossier de ma fille…

Des petites victoires du quotidien.

Parce que je veux croire que ce ne sera que temporaire. Et que, pour la nouvelle année, un nouveau moi plus heureuse aura émergé.

14 commentaires sur “Chute libre”

  1. Je te lis souvent sans prendre le temps de laisser un mot. Cette fois je voulais vraiment t’envoyer de douces pensées encourageantes. J’espère que tu retrouveras vite un peu de douceur, de sourire, de sommeil. Courage, des bisous !

  2. Je suis comme Maëline, ça fait un moment que je lis tes articles (qui au passage sont toujours très agréable à lire je parle de l’écriture pas spécialement du fond) et je n’ai jamais commenté. J’aurais aimé t’envoyer un long message pour te parler de certaines choses mais je n’ai pas trouvé de moyen pour le faire… tu as peut être juste besoin de parler après tout. Ce que tu vis je ne le connais que trop bien, toutes ces étapes, je sais presque d’avance ce qui va se passer et oui tu vas t’en sortir, oui tu vas avoir de nouveau goût en la vie et elle te plaira peut être même plus qu’avant. Je sais que les journées peuvent te sembler bien sombre en ce moment mais peut être ne vois-tu pas les jolies choses et pourtant il y en a dans tout. Prends toi un petit carnet et force toi à noter tout ce qui a été positif dans ta journée, même les petits riens et relis les à la fin de la semaine. C’est une idée, pour avancer. Je n’ai pas été dans ton cas mais je l’ai vécu de l’intérieur, mes parents ont divorcé et ma mère est passée par ce que tu traverses. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésites pas.

    1. Merci beaucoup, c’est adorable de ta part.
      Oui, je sais aussi d’avance les phases, et étrangement, ça me permet de ne pas trop désespérer et de me dire que ce n’est que temporaire 😉
      L’idée du carnet est bonne, je vais l’utiliser, tiens !
      Encore merci pour ton soutien !

  3. Je te lis souvent, même si je ne prends pas le temps de te commenter à chaque fois. Nous avons en commun une mère dépressive (entre autres maintenant) (j’en ai parlé sur mon blog). Je comprends ta crainte de devenir comme elle, j’ai la même crainte. J’ai connu des épreuves cet été et ce qui m’a aidé, c’est la méditation de pleine conscience, refaire du sport et de noter chaque soir, 3 choses positives de ma journée. Courage ma belle, je suis là si tu as besoin de parler <3 Bisous

    1. La méditation de pleine conscience ? Je ne connais pas du tout.
      Par contre, je pense fortement à reprendre effectivement un sport. J’ai pensé à la Pole Dance ou à de la danse orientale, histoire d’en profiter pour me ré-approprier mon corps 😉
      Merci <3

  4. On ne se connaît pas, je te lis simplement depuis quelques mois et voulait tenvoyer pensées positives pour toi..
    Le chemin est long et difficile mais un jour ce sera un tout petit peu moins dur puis un autre jour il y aura moins de pensées sombres puis plus tard le sommeil s’améliorera etc.
    Bref,tout passe un jour..même la dépression

  5. Je découvre ton blog en lisant celui de La Prune .Je ne suis plus toute jeune et carrément vieille quoi ! mais vos messages , jeunes femmes , me font un bien fou ….j’ai le sentiment d’être encore jeune , quelque part dans un petit coin de ma tête …..
    Tiens bon et …fais toi confiance . L’idée du carnet est très bonne , je l’ai utilisée dans un moment de ” chute ” , j’ai écrit chaque moment positif de mes journées : un coup de fil ,une visite , une personne rencontrée dans la rue , le bouvreuil dans le jardin . Rien n’a été dérisoire , tout m’est apparu important et je relis , parfois ,ce journal avec émotion …et le sourire ….

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