Sur le chemin que j’emprunte pour réussir à me retrouver et à être enfin bien, une chose me bloquait.
Cette chose, c’est une agression sexuelle subit dans l’enfance, que j’ai longtemps cachée par honte, peur et culpabilité.
Quelle connerie….
Je ne l’ai avoué à mes parents que tard. Ça en est resté là. Je n’ai pas eu le déclic pour porter plainte à ce moment-là et pendant longtemps, ce fut une autre culpabilité qui a alourdit le poids que je porte sur mes épaules.
Mais cette agression est pour beaucoup dans les fragilités que j’essaye désormais de combattre. Et depuis quelques années, je ne cessais de penser qu’en me taisant, je me faisais complice de mon agresseur.
En effet, j’ai toujours imaginé qu’il avait bien du se sentir intouchable du fait de mon silence, et que si un jour, il recommençait, ça serait donc en partie ma faute (foutue culpabilité et mésestime de soi…).
Heureusement, sur ce même chemin, j’ai rencontré des personnes qui ont su m’écouter, m’entendre, puis me pousser à mettre à jour ce ressenti et à trouver enfin le courage de changer les choses.
Mercredi 23 mars 2016 restera le jour où j’ai dit stop. Stop à cette culpabilité qui n’a plus lieu d’être. Stop à cette sensation d’être en partie responsable.
J’ai poussé la porte du commissariat où j’avais rendez-vous et j’ai porté plainte.
J’ai parlé, pendant près de deux heures. Raconter. Expliquer. Essayer de me souvenir du maximum de détails.
J’ai rougi, j’ai eu chaud, puis froid, envie de vomir, envie d’abandonner et de laisser tomber.
J’ai eu la chance de tomber sur une personne humaine et super, qui a su me répéter à plusieurs reprises qu’il n’y a pas de petites agressions. Qu’une agression n’est jamais légère. Que je suis la victime. Que je mérite le respect et l’écoute.
J’appréhendais beaucoup ce rendez-vous. Je ne me souviens pas de grand chose, hormis de l’acte lui-même. C’était il y a si longtemps, les preuves, les détails sont perdus depuis tant de temps.
Et finalement, ça s’est plutôt bien passé.
Je me suis sentie gênée et une nouvelle fois salie par mon propre récit, au point d’avoir regretté, l’espace d’un moment, d’avoir fait la démarche.
Et puis une fois le procès verbal signé, une fois les démarches à venir expliquer, j’ai ressenti comme une impression de légèreté.
J’avais 7 ans, j’en ai 35. Il me restait 3 ans avant la prescription.
Je ne sais pas ce que ça va donner. Je n’attends rien de cette démarche. Il n’y a pas, plus de preuves. C’est donc parole contre parole.
Des amis ou contacts m’ont parlés prison, dommages et intérêts…
Je n’y crois pas.
Je n’attends même pas ça.
Je n’attends pas plus d’excuses. Il n’a jamais réalisé la gravité de son acte, il l’a toujours nié ou minimiser.
Alors pourquoi ?
Pour ne plus me sentir responsable de ce qu’il a pu faire.
Savoir que ce sera inscrit quelque part sur son dossier, qu’il sera surveillé, qu’il saura que j’ai parlé.
Mon seul regret, avoir parlé trop tard, bien trop tard. Parce que peut être a-t-il recommencé après moi. Le saurais-je un jour ? En ai-je envie ?
Soulagement d’être enfin reconnue victime d’un crime. Soulagement de n’avoir plus rien en commun avec lui, même plus le silence autour de ce qu’il s’est passé.
Mais soyons honnête. Ça ne change pas grand chose d’autre. Ça ne m’empêche pas d’avoir toujours des répercussions sur ma vie de femme.
Et, pire, ça a mis à jour beaucoup de non-dits qui m’ont fortement blessés, qui remettent beaucoup de choses en perspective et me font revoir beaucoup de choses de ma vie personnelle.
Découvrir le doute, la suspicion et une impression de trahison, voilà ce que ça m’a apporté aussi, depuis ce mercredi.
Mais je ne me laisserais pas abattre. Je vais juste revoir mes priorités, revoir mon entourage et me protéger des relations finalement plus toxiques que je ne veux et ne peux l’admettre.
Mais je ne regrette rien. Il fallait le faire, malgré les peines, la douleur, les non-dits. Il fallait que je puisse boucler la boucle, en finir avec ce chapitre puant de ma vie.
Et ce, même si la suite peut se révéler douloureuse, difficile, comme chaque enquête pour agressions sexuelles.
Il n’est jamais trop tard.
Et une fois de plus, je découvre que nous sommes plusieurs, beaucoup trop à nous taire.
Je vois en d’autres les mêmes peurs, les mêmes doutes, les mêmes hésitations qui ont été les miens.
J’ai envie de vous dire STOP. Pas de peur, pas de doute, pas de culpabilité. Vous n’êtes pas responsables. Vous ne méritez pas ce fardeau que vous vous infligez, et tant pis si vous ne pouvez trouver de soutien auprès de vos proches.
Poussez la porte des associations qui s’occupent des femmes. Comme je l’ai fait. Faites vous épauler et libérez votre parole et vos émotions.
Parce qu’on ne mérite pas de partager la culpabilité de nos agresseurs.
Parce que nous vallons bien mieux que ça.
Et, copines de galère, je ne dirais qu’une chose : Courage !
Bonjour,
Bravo d’avoir eu le courage de dire…
Dans la rue d’une grande ville, j’ai été agressée… et je me tais depuis presque 20 ans…
Bonne continuation…
Cordialement.
Pourquoi ne pas faire la démarche ?
“N’avoir plus rien en commun avec lui, même plus le silence autour de ce qu’il s’est passé.”
Magnifique formule pour résumer le véritable but de cette démarche libératrice !
Oui, je crois que c’est ça le plus libérateur
Bon courage
Bon courage à vous et toujours garder la tête bien haute. Continuer à profiter de la vie.