Une étape

Cette semaine, j’ai enfin pris mon courage à deux mains pour commencer une démarche à laquelle je pense depuis des années.
J’ai donc, vendredi, poussé la porte d’A.A.V.A.S, une Association d’Aides aux Victimes d’Abus Sexuels pour enfin déposer plainte contre l’homme qui m’a agressé sexuellement alors que je n’avais que 8 ans.

Pas de viol, un attouchement. Un ami de la famille en qui nous avions tous confiance.

Pendant de longues années, je n’ai osé en parler, gardant cette unique agression secrète. Je me sentais salie, honteuse et aussi coupable.

Jusqu’au jour où, quelque temps après ma majorité, j’ai pris enfin conscience que je n’avais rien à me reprocher du tout. Et que j’ai enfin avouer la vérité à ma mère.

Je n’ai revu ce type qu’une seule fois, une unique fois où je me suis permise de l’envoyer paître bien sèchement et vulgairement.

A l’époque, nous n’avions pas porté plainte. Mes parents étaient plutôt partisans de taire tout cela.

Pendant un temps, j’ai… « accepté » en quelque sorte.

Mais les années passant, j’ai commencé à me dire que c’était trop facile pour lui, que je me taise.
Que si ça se trouve, mon silence l’a amené à agresser d’autres filles.

Je ne trouvais malgré tout jamais le courage, le temps, la motivation pour commencer ses démarches, malgré la culpabilité qui me tenaillait de me taire.

Je pensais que c’était trop tard. Que de toute façon, ça s’est passé il y a tellement longtemps. Il n’y a aucune autre preuve que ma parole et mes souvenirs…..
Que ça ne m’apporterait pas grand chose que des difficultés, des moments de doutes et de déprime.

Et puis ça y est. J’ai enfin, grâce à toutes les démarches que je fais depuis quelques mois, réussi à trouver en moi des réponses, des motivations.

J’en veux un peu à mes parents de n’avoir pas voulu le faire. D’avoir rendu cette agressions taboue, en quelque sorte. Comme s’il fallait cacher une honte.
Ils ont fait un choix qui leur paraissait judicieux à l’époque mais près de 20 ans plus tard, j’ai du mal à le comprendre.

Si ça arrivait à mes enfants, je remuerais ciel et terre pour que le coupable soit jugé et puni !

Je sais désormais les démarches que je dois entreprendre.
Lundi, j’appellerais le commissariat pour prendre rendez-vous afin de déposer ma plainte.
Je serais épaulée par plusieurs personnes. Mon infirmière psy de l’association pour les addictions, mais aussi les personnes d’A.A.V.A.S.

Je n’attends pas grand chose de cette plainte. Ni dommages et intérêts, ni peine de prison. Même pas des excuses.
C’est tellement vieux, tellement flou.

Si je ferme les yeux, je peux revoir et décrire assez précisément l’agression. Mais je ne peux donner le lieu ou la date. Juste des estimations.
aucune preuve, donc.

Mais ce n’est pas grave. Tout ce que je souhaite, c’est qu’il sache que j’ai parlé. Qu’il sache que d’autres savent ce qu’il a été capable de faire.
Que s’il a recommencé (ou qu’il l’avait déjà fait avant), cela soit su, et que ça lui donne des circonstances aggravantes.

Je veux pouvoir me dire que j’ai fait le nécessaire, que si d’autres ont été ses victimes, elles ne sont pas les seules.
Pouvoir tourner enfin la page et avancer peut être un peu mieux sur le chemin qui me permettra de me ré-approprier ma vie, mon corps, ma sexualité. A m’enfoncer un peu plus dans le chemin de la bienveillance envers moi même….

Je vous tiendrais bien sûr au courant. Parce que j’aurais peut être besoin d’en parler. D’avoir vos conseils, vos encouragements. Et surtout, pour que d’autres qui n’osent pas se disent que si moi j’ai pu le faire, près de 30 ans après, elles peuvent peut-être, elles aussi, le faire !

11 commentaires sur “Une étape”

  1. Bravo !!! C’est une démarche douloureuse qui va remuer le passé mais tu vis depuis toutes ces années avec le poids d’une culpabilité qui ne devrais pas exister. Reconnaître que tu es une victime est un grand pas en avant. Le faire reconnaître auprès des autres sera un pas de géant ! Je suis à tes côtés pour te soutenir dans cette démarche. Peine de courage, de bisous et de gros bisous

  2. Un seul mot, bravo.

    Comme tu l’écris si bien à la fin de ton billet, l’essentiel n’est pas d’obtenir réparation ou condamnation pour l’agression que tu as subie, mais te libérer du poison du secret.

    Ce genre de choses, tant qu’elles restent tues… tuent d’une autre façon.

    En circulant par exemple inconsciemment d’une génération à l’autre, poussant les suivantes à “rejouer” malgré elles le scénario jusqu’à ce que la vérité éclate.

    C’est donc bien un grand service que tu as rendu à tes enfants en même temps qu’à toi.

    D’accord avec le commentaire d’Egalimère, auquel j’ajouterais que la reconnaissance du statut de victime permet aussi… de ne plus en être une.

  3. Waw ! En cliquant sur ton lien je ne m’attendais pas du tout à une telle “déclaration”!
    Je ne comprends pas trop non plus tes parents, mais je suis très contente et fière de toi (même si on ne se connait pas) que tu as franchi cette porte pour déposer une plainte, même autant d’années après. Cela ne doit pas être du tout facile, bravo à toi, et je t’encourage très fort depuis mon pc !

  4. On ne peut que te dire un très très grand BRAVO pour un pas si difficile et qui demande beaucoup de courage…
    Je rejoins tout le monde en disant qu’être reconnue victime est important et un énorme pas de franchi !
    J’envoie tout plein de courage !

  5. Je suis fière et si contente pour toi que tu y réussisses. Même maintenant.
    Il te fallait sans doute du temps pour construire ton ressenti face à ça et je pense que la page a besoin de se tourner maintenant. Bravo !

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